L’assurance décès en garantie d’emprunts professionnels

PATRIMOINE 

L’ASSURANCE DECES EN GARANTIE D’EMPRUNTS PROFESSIONNELS 

OU L’ASSURANCE DE LA RUINE DU CHEF D’ENTREPRISE EMPRUNTEUSE ET DE SES HERITIERS  

Il faut constater aujourd’hui, qu’il est pratiquement impossible à une entreprise de contracter un emprunt sans que la banque lui demande la garantie d’une assurance décès reposant sur la tête de son exploitant ou de son dirigeant. 

Or, dans sa doctrine, et en application de l’article 38-2 du Code général des impôts, l’administration fiscale considère que l’indemnisation par une société d’assurance, d’un banquier ou tout autre prêteur, auprès duquel une entreprise a souscrit un emprunt garanti par un contrat d’assurance décès sur la tête de son exploitant ou de son dirigeant, entraîne l’annulation de la dette au passif du bilan.

De ce fait, il est constaté un accroissement de l’actif net imposable dans les conditions de droit commun, c’est à dire à l’Impôt sur le Revenu pour les entreprises individuelles soumises au régime des B.I.C et B.A ou certaines sociétés, ou à l’Impôt sur les Sociétés pour les entreprises qui y sont soumises de droit ou sur option.

Ceci aura deux conséquences fiscales :
– une imposition du profit exceptionnel ainsi constaté, soit à l’I.R soit à l’I.S,
– un accroissement de la valeur de l’entreprise prise en compte dans la base taxable aux droits de succession.

Il faut toutefois distinguer plusieurs situations qui peuvent entraîner un sort fiscal différend aux opérations.

I – Le sort fiscal s’il n’y a pas de caution personnelle en garantie de la créance du prêteur

Le cas peut se produire quand la banque ou l’établissement prêteur a inséré dans le contrat de prêt, une clause de remboursement anticipé du prêt en cas de décès de l’emprunteur ou de son représentant assuré, et une clause prévoyant la souscription d’un contrat d’assurance décès au bénéfice du prêteur, accessoirement au contrat de prêt.

Ces opérations n’étant pas dissociables, l’administration fiscale fonde sa position sur le fait qu’au décès de l’emprunteur ou de son représentant assuré, il y a substitution de débiteur dans le contrat de prêt.

En effet, c’est la compagnie d’assurance qui est substituée à l’emprunteur pour rembourser le crédit.

On ne peut échapper avec certitude, ni au supplément de taxation au titre de la succession, ni à l’imposition au titre du profit exceptionnel, en faisant souscrire simultanément au contrat de prêt, mais extérieurement à la banque ou à l’établissement prêteur, un contrat d’assurance décès déléguant le bénéfice du capital assuré au prêteur, et ce, sous prétexte que les primes n’ont pas été prises en charge par l’emprunteur, dès l’instant que le contrat de prêt comportait une clause stipulant l’exigibilité anticipée du capital emprunté en cas de décès de l’emprunteur ou de son représentant assuré, et une clause résolutoire exigeant l’existence d’une assurance décès au bénéfice du prêteur pour garantir ce remboursement.

De même, la technique consistant  à organiser une mise sous séquestre du capital reçu par un bénéficiaire tiers aux opérations de crédit et de prévoir que la banque ou l’établissement prêteur  pourra en cas de défaillance de l’emprunteur, puiser dans cette « réserve » est parfaitement inopérante au plan juridique et  fiscal si les clauses évoquées ci-dessus figurent dans le contrat de prêt et que l’exigibilité est immédiate.

De même également, l’opération consistant à prévoir dans le contrat de prêt, une clause de nantissement d’un contrat d’assurance décès au titre des garanties, ce contrat étant souscrit simultanément au contrat de prêt au bénéfice des héritiers, alors qu’il existe également dans le contrat de prêt une clause stipulant l’exigibilité anticipée du capital emprunté en cas de décès de l’emprunteur ou de son représentant assuré, ne permet pas d’échapper à coup sûr au supplément de taxation au titre de la succession, ni à l’imposition au titre du profit exceptionnel.
Si le prêteur venait à faire jouer sa garantie après le décès, l’administration fiscale pourrait être tentée de soutenir qu’il aurait dû le faire au jour du décès. Il serait toutefois possible de lui opposer, dans certains cas, le recours que pourraient avoir les héritiers bénéficiaires du contrat d’assurance contre le débiteur principal, à travers une action de mandat ou de gestion d’affaires, ou comme exposé ci-après, au titre de la caution qui a payé le créancier.

Aussi, pour pouvoir maintenir une créance sur la succession et annuler le profit exceptionnel dégagé par le remboursement anticipé de l’emprunt, le moyen le plus simple est de prévoir dans le contrat de gage, une clause de subrogation du ou des tiers garants dans tous les droits du créancier envers le débiteur principal.
Ces tiers garant étant les bénéficiaires acceptants du contrat d’assurance décès donné en garantie.

Par contre, si le contrat de prêt ne comporte aucune clause d’exigibilité anticipée du capital en cas de décès de l’emprunteur ou de son représentant assuré, et qu’un contrat d’assurance décès a été donné en garantie par nantissement par des héritiers bénéficiaires acceptants, on peut considérer que la dette n’est pas éteinte au décès et qu’elle est transmise aux héritiers d’un emprunteur personne physique.
Le prêteur pourra alors faire jouer sa garantie après le décès de l’emprunteur.
S’il le fait au jour du décès, les héritiers pourront alors faire valoir une créance à l’encontre du débiteur principal au titre du recours de la caution réelle qui a payé.
Cependant, cette installation de créance peut nécessiter un recours judiciaire et pendant la durée de la procédure l’administration peut procéder à une taxation pour laquelle la prescription pourra lui être acquise par la durée de cette procédure.

Là aussi, le moyen le plus sûr d’éviter les impositions supplémentaires, est de prévoir une clause de subrogation des garants dans les droits du créancier nanti.

Les conséquences fiscales des opérations évoquées ci-dessus, sont différentes suivant qu’il s’agit d’entreprises individuelles ou de sociétés avec intervention de tiers en garantie.

 * L’entreprise individuelle dont l’exploitant est soumis à l’I.R sur les résultats

Il s’agit exclusivement des entreprises soumises au régime fiscal des BIC ou des BA.
En matière de BIC, en vertu des dispositions de l’article 38 quater du CGI, le profit exceptionnel constaté peut être étalé par fractions égales, sur l’année de sa réalisation et les quatre années suivantes.
Il est imposable à l’I.R au barème progressif, après avoir été ajouté aux autres revenus taxables à cet impôt.
Le montant du profit exceptionnel est égal au solde de l’emprunt figurant au passif du bilan de l’entreprise et remboursé par le jeu de l’assurance souscrite en garantie.
En cas de continuation de l’entreprise par les héritiers, ces derniers doivent, pour bénéficier de l’étalement, s’engager aux réintégrations annuelles correspondantes dans les résultats de l’entreprise.
Si les héritiers ne continuent pas l’exploitation, le décès entraînant cessation d’activité, les impôts sont immédiatement dus ce qui peut créer de sérieux problèmes au héritiers.

* L’entreprise soumise à l’impôt sur les sociétés

Le profit exceptionnel est aussi égal au solde de l’emprunt figurant au passif du bilan de la société et remboursé par le jeu de l’assurance décès souscrite en garantie.
Ce profit exceptionnel sera imposé à l’ I.S aux conditions de droit commun.
Il peut toutefois, également en vertu des dispositions de l’article 38 quater du CGI, être étalé par fractions égales sur l’année de sa réalisation et les quatre années suivantes.

II – Le sort fiscal s’il existe une caution personnelle en garantie de la créance du prêteur

 * Entreprise individuelle ou société

Le Conseil d’Etat, par l’arrêt 26375 du 10/11/82, a admis l’application des articles 2028 du Code civil, devenu 2305, et 2029 du Code civil, devenu 2306 dans les opérations qui ont suivi le décès d’un assuré sur la tête duquel une entreprise avait souscrit un contrat d’assurance décès et invalidité garantissant le remboursement anticipé de l’emprunt qu’elle avait également souscrit.
L’article 2O28 du Code civil, devenu 2305, énonce que la caution qui a payé a son recours contre le débiteur principal.
L’article 2029 du Code civil, devenu 2306, énonce quant à lui que la caution qui a payé est subrogée à tous les droits qu’avait le créancier contre le débiteur.

Ainsi, de la combinaison de ces deux articles, on peut conclure qu’en cas de décès de l’assuré qui s’était rendu caution, les héritiers sont en droit de justifier de l’installation d’une créance de la caution sur le débiteur principal qu’est l’entreprise qui a souscrit l’emprunt.

Sur le plan fiscal, le remboursement anticipé d’un emprunt par le jeu d’une assurance décès souscrite sur la tête d’une caution, n’entraînerait pas de profit exceptionnel taxable car la disparition de la dette d’emprunt au passif du bilan de l’entreprise est remplacée par l’installation d’une créance des héritiers de la caution de même montant.
Cependant, cet arrêt du Conseil d’Etat est un arrêt d’espèce et non de principe.
L’administration peut toujours être tentée de contester l’inscription de plein droit d’une créance de la caution.
Il est donc prudent d’organiser juridiquement la mise en place de la garantie pour faire échec à toute tentative de contestation de la part de l’administration fiscale.

L’assurance peut aussi reposer sur la tête de l’emprunteur au bénéfice de la caution qui peut être un tiers ou un héritier.
Après le décès, le capital assuré est payé à la caution qui le transmet au prêteur et installe sa créance au passif de l’entreprise pour le montant correspondant au solde de l’emprunt ainsi remboursé.
Mais ce schéma sera rarement accepté par le prêteur.

Par contre, l’assurance peut être souscrite par l’emprunteur ou son représentant et le bénéfice du contrat attribué à un ou plusieurs héritiers, un ou plusieurs tiers qui accepteront la stipulation à leur profit.
Ce ou ces bénéficiaires acceptants donneront alors en garantie au prêteur la créance qu’ils détiennent à l’encontre de l’assureur, et ce, par nantissement du contrat d’assurance dans lequel sera inséré une clause de subrogation après paiement au profit de ces bénéficiaires.
Ainsi, au décès de l’emprunteur ou de son représentant assuré, la banque exerçant son droit de préférence au titre du nantissement, percevra les capitaux en remboursement de sa créance garantie.
La dette correspondant au solde du prêt inscrite au passif du bilan de l’entreprise emprunteuse disparaîtra, mais sera remplacée par une dette de même montant au nom du ou des bénéficiaires garants et subrogés dans les droits du créancier.
Il n’y aura pas de constatation de profit exceptionnel pour l’entreprise.
Il n’y aura pas non plus d’accroissement de la valeur taxable dans la succession du chef d’entreprise.

III – Le sort fiscal des primes

* Entreprise individuelle ou société

Quelle que soit la forme juridique de l’entreprise, les primes concernant l’assurance décès contractée en vertu d’une stipulation expresse du contrat de prêt sont déductibles des bénéfices imposables au fur et à mesure de leur paiement.

Les primes correspondant à la souscription d’une assurance décès en garantie d’emprunt, mais résultant de la seule  initiative de l’entreprise, ne sont déductibles qu’au moment du décès éventuel et viennent alors en déduction du profit réalisé.

Cependant, une déduction des primes peut être faite chaque année quand le contrat a été souscrit par une caution en vertu d’une clause du contrat de prêt l’exigeant.

CONCLUSION

De ce qui précède, on peut conclure que les entreprises individuelles ou les sociétés, les héritiers des propriétaires de ces entreprises, peuvent connaître de graves problèmes financiers du fait de l’exigence par les banques, de garanties par adhésion au contrat d’assurance décès groupe qu’elles proposent lors de l’octroi de crédits.

Il est prudent de faire analyser, avant de souscrire ces assurances, toutes les conséquences fiscales et financières qui vont en découler.

Le Cabinet HINCKER & ASSOCIES est à l’origine d’un schéma de montage de garanties d’emprunts par assurance décès, utilisant des techniques juridiques permettant d’échapper à toute imposition, tout en apportant à la garantie donnée au prêteur, la même efficacité juridique que s’il avait fait souscrire son assurance décès groupe à l’emprunteur et à un coût global inférieur dans pratiquement tous les cas.

Gérard MINNI

Cabinet HINCKER & ASSOCIES

Département Droit des Affaires et Droit Social