Les parents au volant, la loi et l’enfant témoin – Incivilité et/ou infraction : norme sociale et/ou norme juridique

 

Le droit confère aux parents une autorité légale, c’est à dire des droits et des devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. En matière de conduite routière, les parents doivent protéger l’enfant pour sa sécurité, mais aussi « pour assurer son éducation », comme l’indique l’article 371-1 du code civil.

La voiture est la continuation de l’espace privée mais qui se déplace dans l’espace public. Cet espace clos permet aux parents d’expliquer à l’enfant la différence entre le concept d’incivilité et celui d’infraction. Cette distinction ne vas pas de soi pour l’enfant il peut entendre parler « d’incivilité au volant » alors qu’il s’agit d’une infraction. En effet se disputer avec un autre conducteur peut être perçu comme une incivilité alors que l’infraction d’injure (article R621-2 du code pénal) n’est jamais très loin. Il en est de même pour le fait de ne pas laisser passer un piéton qui s’engage sur un passage piéton, perçu comme une incivilité par beaucoup cela n’en est pas moins une infraction (article R415-11 du code de la route) punie d’une contravention de 4ème classe et le retrait de 4 points sur le permis de conduire (autant que pour le non respect d’un feu rouge).

La norme juridique n’a rien à voir avec la norme sociale ! La voiture est un excellent moyen d’expliquer cette distinction à l’enfant et ainsi de former un citoyen. L’intégration de la loi n’est cependant pas la même partout. Ainsi à Marseille se garer en double file ne choque personne alors qu’à Strasbourg cela ne se fait pas, pourtant c’est une belle et bien une infraction partout en France (art 417-10 du code de la route).

De plus, la voiture peut malheureusement parfois être le lieu où s’exercent des violences au sein du couple auxquelles l’enfant assiste contre son gré dans ce lieu clos sans échappatoire. C’est le concept très intéressant qui émerge depuis peu, celui de l’enfant témoin.

La loi du 9 juillet 2010 relative « aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants » à ajouter un paragraphe 6 à l’article 373-2-11 du code civil qui concerne les critères pris en compte par le juge pour décider de la résidence des enfants. Dorénavant le juge devrait prendre en considération  » les pressions ou violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l’un des parents sur la personne de l’autre ». Ce nouveau critère prenant en compte la souffrance de l’enfant témoin va dans le sens de la Convention du Conseil de l’Europe sur la violence à l’égard  des femmes et la violence domestique du 7 avril 2011 dite Convention d’Istanbul ratifié par la France en 2014. De même la directive 2012/29/UE contre les violences domestiques du 25 octobre 2012 de l’Union européenne et transposée par la France en 2015 est une avancée juridique à noter dans la définition des violences domestiques. Les violences domestiques sont des violences de nature physique, sexuelle, psychologique ou économique. L’enfant-témoin n’est pas directement victime de ces violences mais est cependant directement impacté par celles-ci s’exerçant au sein du couple.

La voiture est en effet le prolongement du huit clos de la maison où peuvent se perpétrer des injures, disputes et autres situations extrêmes au sein du couple. L’enfant est témoin du comportement de ses parents et les conséquences sur son développement peuvent être importantes, l’enfant-témoin doit être protégé même si l’application des repères juridiques précités reste faible.

 

Laurent Hincker

Avocat